Projekt Beschreibung
Libération le mercredi 21 juin 2000 | |
Lifting à l’autrichienne d’un héritage encombrantLe projet de transformer la maison natale de Hitler en centre pour la mémoire de la Shoa arrive à point pour redorer l’image de l’Autriche.Par PIERRE DAUMBraunau envoyé spécial Il s’en est vraiment fallu de très peu pour que Hitler naisse allemand. De très peu, c’est-à-dire exactement d’un pont. Braunau-am-Inn, ville de naissance du petit Adolf, est situé, comme son nom le suggère, sur la rive méridionale de l’Inn, large affluant du Danube. Sur l’autre berge commence déjà la Bavière. Souffrant depuis un demi-siècle de la trace «brune» laissée par le plus grand génocidaire de l’histoire (comble de malchance, «brun» se dit justement en allemand… braun!), les habitants de Braunau viennent de décider d’un projet ambitieux: transformer la maison de naissance de Hitler en un centre international d’études et de projets concernant l’Holocauste, le fascisme et les droits de l’homme. Braunau envoyé spécial l s’en est vraiment fallu de très peu pour que Hitler naisse allemand. De très peu, c’est-à-dire exactement d’un pont. Braunau-am-Inn, ville de naissance du petit Adolf, est situé, comme son nom le suggère, sur la rive méridionale de l’Inn, large affluant du Danube. Sur l’autre berge commence déjà la Bavière. Souffrant depuis un demi-siècle de la trace «brune» laissée par le plus grand génocidaire de l’histoire (comble de malchance, «brun» se dit justement en allemand… braun!), les habitants de Braunau viennent de décider d’un projet ambitieux: transformer la maison de naissance de Hitler en un centre international d’études et de projets concernant l’Holocauste, le fascisme et les droits de l’homme. «Début février, nous avons lancé une campagne de signatures auprès des administrés, explique avec enthousiasme le maire de la ville, Gerhard Skiba (social-démocrate). Le succès a été total. Il faut dire que tous les partis politiques (y compris le FPÖ de Jörg Haider, ndlr) se sont engagés à fond pour ce projet. Et nous sommes aussi soutenus par le journal local.» Un premier concept a été couché sur le papier, et, après quelques débats, un nom aux accents résolus a été trouvé: House of Responsability («Maison de la responsabilité», mais en anglais, afin de bien marquer son aspect international). L’auteur du concept, le politologue et historien Andreas Maislinger, avait rendez-vous jeudi dernier au ministère pour présenter son dossier. A sa sortie, il annonçait avec triomphe: «La responsable des monuments historiques s’est montrée extrêmement intéressée par notre projet.» Rapport complexe. L’idée de transformer la maison de naissance de Hitler ne date pas d’hier. Pendant des décennies, les responsables de la ville se sont creusé la tête afin de trouver une solution à ce bâtiment terriblement encombrant. Il y a vingt ans, on pensa le raser! Avant de comprendre que cela ne changerait rien au problème, puisqu’on ne se débarrasse pas d’une idée en éliminant les pierres qui la matérialisent. Le rapport qu’entretiennent les habitants de Braunau avec leur «héritage indésirable» est d’ailleurs complexe. Demandez à quelqu’un dans la rue où est la maison de Hitler, il vous répondra toujours avec amabilité. Mais attendra tout de même une demi-seconde avant de fournir sa réponse. Pause infime à travers laquelle perce la lassitude («Encore quelqu’un qui me demande ça!»), doublée d’une pointe d’agacement («Mais qu’ont-ils tous à vouloir voir cette maison?!»). Premier pas. Jeudi 20 avril 1989. Journalistes et caméras du monde entier ont l’œil fixé sur la façade jaune et décrépie du 15, Salzburger Vorstadt, au cœur de la vieille ville. Pour ce jour anniversaire du centenaire de la naissance d’Adolf Hitler, la police redoute des manifestations néonazies. Deux semaines avant, le jeune Gerhard Skiba, maire depuis à peine trois mois, érige en vitesse une stèle à la mémoire des «victimes du fascisme». «Dorénavant, on ne pourra plus photographier la maison sans avoir la stèle au premier plan!», justifie-t-il. Ce premier pas est suivi d’un second: en 1992, des «Journées d’histoire contemporaine» sont organisées à Braunau, rassemblant experts et responsables européens autour des thèmes du fascisme, de la frontière et de la culture. L’expérience prend dès lors un rythme annuel. Premier pas. Jeudi 20 avril 1989. Journalistes et caméras du monde entier ont l’œil fixé sur la façade jaune et décrépie du 15, Salzburger Vorstadt, au cœur de la vieille ville. Pour ce jour anniversaire du centenaire de la naissance d’Adolf Hitler, la police redoute des manifestations néonazies. Deux semaines avant, le jeune Gerhard Skiba, maire depuis à peine trois mois, érige en vitesse une stèle à la mémoire des «victimes du fascisme». «Dorénavant, on ne pourra plus photographier la maison sans avoir la stèle au premier plan!», justifie-t-il. Ce premier pas est suivi d’un second: en 1992, des «Journées d’histoire contemporaine» sont organisées à Braunau, rassemblant experts et responsables européens autour des thèmes du fascisme, de la frontière et de la culture. L’expérience prend dès lors un rythme annuel. Le rez-de-chaussée pourrait être occupé par les bureaux des Journées de l’histoire contemporaine, ceux de l’association Service de la mémoire (qui s’occupe d’envoyer des objecteurs de conscience autrichiens faire leur service civil dans des lieux de mémoire de l’Holocauste) et par un centre de documentation sur Hitler. Le premier étage, consacré au présent, abriterait des projets d’aide humanitaire et de protection des droits de l’homme. Des espaces de conférences et de rencontres trouveraient place au dernier étage. Coup de fouet. Même si les idées d’Andreas Maislinger ont été bien accueillies par le conseil municipal, «le projet est longtemps resté en sommeil, admet Gerhard Skiba. La nouvelle configuration politique à Vienne lui a donné un coup de fouet très positif». En effet, quelques dizaines de millions de schillings sont nécessaires au projet. Pour acheter la maison (elle appartient à une propriétaire privée), la restaurer et assurer la gestion de la future institution. Pour cela, l’Etat, la région et éventuellement l’Union européenne doivent être mis à contribution. Pour ce qui est de l’Etat, il se trouve justement que le gouvernement autrichien a en ce moment un terrible problème d’image de marque à l’égard de l’étranger. «Nous leur proposons en quelque sorte un deal, poursuit le maire avec un sourire en coin. Vous nous donnez de l’argent et, nous, on s’occupe de rectifier avantageusement votre image à l’étranger!» Pour l’instant, la stratégie semble fonctionner. Si le ministère concerné ne s’est pas encore engagé financièrement, il a fait part, déjà, de son «soutien total». Pour la ville, les retombées d’un tel projet ne peuvent qu’être positives. Outre que cela pourrait résoudre l’ambiguïté du rapport que les habitants entretiennent avec la maison de leur «célèbre» compatriote, Braunau pourrait enfin profiter de l’attrait de ses jolies façades baroques, où le mandarine alterne avec l’indigo, le fraise ou le saumon. «Tous les jours, je reçois des touristes qui me demandent où se trouve la maison de Hitler, explique avec un sourire Brigitte Resch, employée à l’office du tourisme de la ville. Et quand ils sont devant la maison, ils sont déçus, parce qu’il n’y a en fait rien à voir. Si le projet prend vraiment forme, nous pourrons satisfaire aux désirs des visiteurs, et le nom de Braunau pourra enfin résonner d’un son attrayant!». |
Projekt Details
- Datum 2. Juli 2016
- Tags Pressearchiv 2000